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Focus 2024, un grand échiquier !
Oumar Silatigui KEITA
mardi 11 juillet, 2023 - 8:44

D’un grand désordre politique, nous assistons à l’épilogue de ce qui semble être une stratégie savamment réfléchie et brillamment exécutée. Si d’aucuns pensent que le Président Macky SALL est médiocre, d’autres affirment le contraire et le qualifient de génie politique. Loin de nous l’idée de faire de la météo politique, nous pouvons estimer que les dernières actions et sorties du Président paraissent dissiper le cumulonimbus qui annonçait des temps sombres sous le ciel du Sénégal et par la même occasion guérir la myodésopsie des Kibitzer [1]politiques que nous sommes pour ainsi permettre une vue plus dégagée propice à une analyse.

Tout part d’un gambit[2], « Mes chers compatriotes, ma décision longuement et mûrement réfléchie est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024, et cela, même si la constitution m’en donne le droit ». Cette assertion qui est libératrice pour certains, elle et les vingt minutes qui la précèdent dans le discours à la nation du lundi 03 juillet sont très révélatrices pour nous. Laissons de côté le « et cela même si la constitution m’en donne le droit » aux sachants et autres « tailleurs » constitutionnels et faisons une analyse antéchronologique afin de réfléchir sur comment les prochains pions seront déplacés sur l’échiquier.

… Les 20 premières minutes du discours

Sachant ce qui allait suivre, pourquoi le Président Macky SALL a prononcé un discours aussi va-t-en-guerre que celui-ci ? Le ton du discours, le contenu menaçant et la cible étaient peu ou pas voilés. En effet, lorsque le Président promet de mettre tout ce qui en son pouvoir, le respect et l’application des décisions de justice, nous devinons aisément que les éléments du discours ont comme cible le Président Ousmane SONKO. Ce dernier, rappelons-le, est le leader en puissance de l’opposition sénégalaise et est actuellement sous le coup de deux démêlés avec la justice, dont une en appel, et l’autre s’est terminée en queue de poisson. En effet, le procès pour viol présumé et menace de mort s’est, par une baguette judiciaire, transformée en « corruption de la jeunesse », une suite socratique et pas une fin.

Selon nous, cette « décision longuement et mûrement réfléchie » montre que l’idée de briguer un troisième mandat, une troisième candidature ou un second quinquennat, a jusqu’à un passé très récent taraudé l’esprit du Président. De prime abord, ce n’est nullement une décision, mais une disposition constitutionnelle déjà réglée par la constitution de 2001 et confirmée par celle de 2016. Ensuite, tous les voyants (discours du président, le flou autour de la candidature, le limogeage des membres de BBY qui sont contre le troisième mandat, la récompense ou promotion des pro troisièmes mandats…) ont semé le doute dans la tête des Sénégalais ainsi que tous les observateurs qui suivent de près les évènements politiques du Sénégal. Enfin, notre analyse est que cette « décision longuement et mûrement réfléchie » est le fait de la double révolution populaire de mars 2021 et de juin 2023 qui, nous le rappelons, n’avait rien à avoir avec une troisième candidature, mais sert aisément de baromètre à un potentiel trouble. La pression médiatique et diplomatique qui s’en sont ensuivi ont fortement influé cette décision. En fin stratège, nous pensons que le Président Macky SALL tente un gambit. Cette « renonciation » est, d’après notre analyse, un subterfuge visant à s’alléger de la pression du troisième mandat et de la tentative d’éliminer un adversaire politique dont il est à tort ou raison accusé. S’il n’est plus candidat, quel intérêt a-t-il à éliminer le Président Ousmane SONKO ? Pourquoi mettre tout ce qui est en son pouvoir pour faire appliquer la décision de condamnation de deux ans de son opposant ? Il s’offre ainsi un boulevard ou une immunité sociale sur les prochaines actions que la justice pourrait intenter à l’encontre du sieur Ousmane SONKO.

… Les dernières sorties du Président et de ses proches

Les théoriciens du chaos, le président et ses partisans, sont depuis bientôt trois ans dans une tentative de nous préparer à un potentiel baroud. En effet, à chacune de leurs sorties, nous remarquons une tendance manifeste de nous familiariser avec le vocabulaire des pays en tensions, pour ne pas dire guerre. Ces mots reviennent souvent : terroristes, forces occultes, forces spéciales, forces non identifiées, rebelles, tentative de déstabilisation, ceinture de feu du Sahel… Des mots qui sont jusque-là méconnus des Sénégalais. Tels des chevaliers de l’apocalypse, ils commercent avec une facilité rocambolesque des verbes guerriers qui ébranlent la paix et la quiétude de notre chère nation. Que nous préparent-ils ? Le champ lexical du chaos dans tous les plateaux télévisés, est-ce une entreprise Machiavélique ou une tentative désespérée de se maintenir au pouvoir ? Sont-ils des jusqu’au-boutistes ? En sus, une dissolution du parti PASTEF revient comme une sorte une métaphore filée dans le débat public avec des références à peine voilées à une organisation terroriste. Ce processus est d’ailleurs en cours, car la quasi-totalité de ses leaders sont écroués dans les geôles avec une facilité parfois déconcertante. En plus des leaders, plus 600 membres du parti PASTEF ou sympathisants recensés sont à ce jour en prison. Même esseulé, le PROS[3] reste une force vive de la nation et une réalité politique indéniable. En échecs, il peut être considéré comme un empoisonné[4] ou encore un passé[5]. Dans les deux cas, le prendre serait imprudent et pourrait facilement être un facteur d’instabilité.

… Les prochains déplacement sur l’échiquier

En prenant les actions de manière séparée, il est possible d’y voir un tâtonnement stratégique. Par ailleurs, en mettant les actions bout à bout et en les agrégeant vers un point de corrélation, un schéma bien planifié se dessine.  En nous basant sur ce qui précède et le fait qu’à moins de huit mois des prochaines élections présidentielles que le Président n’ait pas encore choisi son dauphin, tout cela nous fait penser à un cabotinage.

Poussons cette analyse plus loin avec une réflexion « Le Sénégal dépasse ma personne » est-ce une porte dérobée ? Car d’après la dernière sortie du Président Ousmane SONKO, une élection sans lui (candidat) engendrerait un « chaos indescriptible », ce qui est fort probable vu son influence grandissante notamment chez les plus jeunes. En supposant que le Président aille au bout de ses promesses et que par extraordinaire la décision de justice s’applique fermement sur le Président Ousmane SONKO,  le jeu politique mènerait certainement à sa prédiction. Si, par malheur, cette situation venait à se réaliser, le Président pourrait alors revenir en passant par la porte dérobée et avec comme argument phare « Le Sénégal dépasse ma personne, pour assurer sa stabilité, je me présente ». Sommes-nous dans une partie Magnus Carlsen contre Hikaru Nakamura ? se dirige-t-on vers un pat[6]? Ça rend l’analyse d’autant plus intéressante, car les deux protagonistes s’adonnent à la plus grande partie d’échecs de l’histoire politique du Sénégal.

[1] Terme (expression yiddish) utilisé pour désigner une personne regardant une partie sans intervenir directement dans le jeu.

[2] Dans une ouverture, sacrifice d’un pion en vue d’obtenir une forte initiative et de gagner du temps dans le développement des pièces.

[3] Président Ousmane SONKO

[4] Désigne un pion laissé volontairement sans défenseur mais dont la prise est un piège.

[5] Désigne un pion pouvant librement avancer jusqu’à la promotion sans rencontrer de pions adverses pour le stopper. Un pion passé est donc dangereux et constitue souvent un avantage car l’adversaire devra mobiliser ses forces pour le stopper.

[6] Quand un joueur ne peut pas jouer (aucun coup valide possible) il est pat et la partie est nulle

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Commentaires des visiteurs (8)
  1. Diouf
    vendredi 14 juillet, 2023

    Une analyse trés pertinent et réfléchie mon cher…

  2. Dame
    vendredi 14 juillet, 2023

    Osman Sonko sama kandida 2024

  3. Diallo sahide
    vendredi 14 juillet, 2023

    Courage mon grand on est de tout cœur Plein de succès et bon continuation

  4. Clair mc
    samedi 15 juillet, 2023

    De tout coeur ! Chaque citoyen, dans ce vaste champ du devoir, na baye dignement waaram pour l’honeur du Sénégal ! Djam ni gnoye.!

  5. Niang
    samedi 15 juillet, 2023

    Belle analyse ✅

  6. Abdoulaye Diop
    dimanche 16 juillet, 2023

    Y a de quoi à s’inquiéter, tous les Sénégalais d’ici et d’ailleurs sont aux aguets de l’épilogue post électoral où l’absence de Pros parmi les futurs candidats entraînerait des perturbations qu’on ne souhaite vraiment pas. Ce que n’honorerait pas notre cher pays.
    Pour vu que nos autorités compétentes en prennent acte.
    Vive la démocratie, vive la paix au Sénégal.

  7. ROOTS
    lundi 17 juillet, 2023

    Très belle analyse de la situation politique mon frère, un Président qui concentre tous son énergie pour éliminer un opposant politique et briguer un troisième Mandat. Ces discours rappellent les paroles D’Amadou Ampathé Ba qui comparaît le pouvoir comme de l’alcool et Macky à atteint le troisième degrés d’ivresse. Dans ce cas de figure Macky n’est pas craint par le peuple mais détesté.

  8. Alassane
    mardi 18 juillet, 2023

    Excellent et merci pour cette brillante contribution

Total: 8

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